ET SA MUSIQUE S’EN VA…
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Par Ledamel
Véronique va mieux. Et puisque je suis fan et que je l’aime, je préfère la voir comme ça c’est vrai. La savoir réconciliée avec elle-même et ses démons, choyée par un homme paisible, entourée, reconnue par les médias et le grand, très grand voire nouveau public, épaulée par de nombreux collaborateurs qui lui écrivent de plus en plus de mélodies et de chansons (chose in-envisageable aux débuts de cette surdouée femme-orchestre).
Je la préfère donc ainsi que seule, déchirée, alcoolique et désespérée.
Mais… mais, mais, mais. Sa musique s’en ressent. Faut-il confirmer l’adage disant que seule la souffrance donne les plus belles chansons ? Bien sûr, il ne faut plus comparer ses disques de ces dernières années avec les braises de la jeunesse, les grands standards intouchables et in-reproduisables (« besoin de personne, ma révérence, comme je l’imagine, amoureuse, allah, Vancouver, étrange comédie », etc… ) et ses joyaux maudits et sublimes que vénèrent les vrais fans dignes de ce nom (« bouddha, redoutable, le temps est assassin, christopher, maria de tusha, mon voisin, mi maitre mi esclave », etc…). D’ailleurs, si ces trésors ont progressivement disparu d’album en album, surtout sur sa période moderne, au-delà des sons synthés 80-90 début 2000, il a toujours subsisté à adorer, quelques joyaux au moins (même parfois aidés ou offerts par d’autres), au fil des galettes, qui nous rappelaient que Véro était Véro : « visiteur et voyageur, les hommes, je me suis tellement manquée, j’ai l’honneur d’être une fille, code secret, la douceur du danger, l’homme de farandole, tout dépend d’elle »… Alors je ne fais pas durer le suspens : aucun de ces joyaux sur « DDD ». Ca devait arriver.
Car la tendance qui enfle depuis 2-3 albums, c’est celle d’une world music un peu foutraque, big brass band, bœuf entre potes, latino, sympatoche et volontairement (faussement?) joviale. Comme pour contredire et conjurer son passé sublime et cliché d’écorchée vive. Véro à droit au bonheur, et toc, de faire de la musique de cirque, du tcha tcha tcha, ce qu’elle veut quoi, elle a assez morflé; la douleur a effacé sa faute. etc…
Du coup on aboutit à des choses vraiment improbables à entendre pour un puriste santon. Si Véro elle-même et les médias revendiquent dans ce dernier album l’éclectisme (argument marketing vendeur - les gens veulent pas de glauque - ou consensus lisse et poli ?), c’est dur d’écouter Véro chanter sur la musique et les arrangements d’autres pour faire du jazz manouche, de la samba, ou même de la mélo symphonique sirupeuse qui sonne comme tout sauf comme elle (le lénifiant « Je l’appelle encore », désolé monsieur Mehdi Benjelloun. Sur le même thème bouleversant, pour réécouter du musicalement sanson 100%, « Chanson pour celle que j’aime » sera plus judicieux et authentique).
Attention, Véro a toujours su AUSSI swinguer positive et être pétillante, il n’y a pas que la Sanson dramatique et sombre. J’ai toujours été le premier à le savoir, à le dire, à l’apprécier. Preuve en sont les irrésistibles pépites passées, « toute seule », « devine-moi », « tu sais que je t’aime bien »,« y a pas de doute », « féminin », « Alia Souza », « avec un homme comme toi », « c’est long c’est court », « vole vole vole », « les délices d’Hollywood »,« bernard’s song » et plus récemment les succulents « jusqu’à la tombée du jour » ou surtout « Annecy », et les agréables « de bric et de broc », « cliques-claques », « pas bô pas bien ». Mais dans cet album, comme dans le précédent mais en pire, ne résonne que de cette variétoche world music qui ne sonne pas Sanson (« et s’il était une fois », « l’écume de ma ma mémoire », « zéro de conduite », « la loi des poules »), mais qui sonne zaz, dutronc et burlesque passe-partout pour danser un soir de réveillon. J’ai parlé de l’arnaque « et je l’appelle encore », dont les violons clichés de la mélodie à la Andrieu veulent faire pleurer sans la subtilité que Véronique aurait su insuffler en composant elle-même. J’évoque rapidement la chanson titre, du Allah nouvelle fournée se voulant dans l’air du temps, écrasée par des effets gimmicks et des paroles de comptine concon. Sans ampleur. Anecdotique.
Alors, rien à garder ? Si. Les paroles en général, toujours sansonniennes. Avec, dans l’absurde « loi des poules » - quelle terrible manière de finir un album - quand même le summum des paroles surréalistes et insensées. Tentant de supporter le choix musical de ce titre étrange et irrationnel, j’hésite encore entre paroles justement sous delirium tremens, cuite d’un samedi soir ou génie à la lewis caroll. Mais c’est difficilement écoutable, même avec le sens de l’humour. J’ai honte en l’écoutant, mais peut-être un jour crierai-je au bijou incompris.
Notons une belle « dans ces moments-là », avec son jeux de mots facile, mais bien troussée et pleine d’allant.
Et du côté des ballades dramatiques, en guise des bijoux pré-cités, rien, rien de vif, tout s’est simplement tiédi en blues : les 3 « beaux » blues sansonniens de l’opus sont donc « des x et des y » (promis comme la plus noire chanson de son répertoire mais c’est juste faux), « sans foi ni loi », (titre un peu lisse et sage et noyé, derrière un titre convenu à fond), et « Dr Jedi et Mr Kill ».
Avec un vrai coup de cœur pour ce dernier, et ses quatre notes frappées mélancoliquement jazzy qui rappellent dans le fond « jette-le », « laisse-la vivre » et dans la forme le somptueux « triel sur seine », ou les heures noires les plus belles et sombres d’une sad limousine. Cette subtilité jazzy est aussi dans la ligne mélodique du « sans foi ni loi ». Il faudra s’en contenter. A réécouter en boucle avec les x et les y pour que le charme Véro opère de nouveau, ou presque. On va dire que sa musique évolue, à défaut de dire qu’elle s’en va.
Edouard Dia, Paris.