L'état de Grâce
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Par eNeum
L'histoire du Rock est parcourue - bien que peu fréquemment - par des avènements parfaits : des groupes jusqu'alors inconnus qui donnent naissance à un album parfait. Soit d'emblée soit après quelques opus. "Parfait" s'entends ici au sens où tous les titres, sans exception, sont d'une telle telle créativité, d'une telle richesse, d'une telle maîtrise, que d'évidence en remportant l'adhésion du plus grand nombre - ce qui au regard de l'inventivité est déjà en soi un exploit paradoxal tant le Monde n'aime pas ce qui est en avance sur lui-même - remporte aussi de facto l'adhésion de l'histoire du Rock : ces albums y entrent comme on pénètre au Panthéon. Par exemple - et sans aucun lien de répertoire, de style ou d'époque - des disques comme "Highway To Hell" de AC/DC, ou "The Doors" des Doors, (etc, etc...) sont devenus des légendes gravés sur vinyls parce que rien n'y est à jeter. Rien. Ils sont parfaits et célébrés tels quels depuis des décennies.
"Silver Side Up" est de ceux-là.
A quoi cela tient? Certainement à un mélange tendu, presque fébrile et en tous cas alors innovant sinon même inédit, entre le hard rock, le grunge (comme Les Foo Fighters aujourd'hui savent de façon si extraordinaire le conduire) et la Folk pure. Les guitares saturées s'accommodent avec bonheur avec celles dites "sèches" pour nous faire tourner comme des derviches-tourneurs des riffs rageurs lancinants à la puissance intrinsèques, aux ballades que n'auraient pas reniés certaines formations de la fin des seventies.
Bref, une alchimie sonore qui a tout de la pierre philosophale : un mythe improbable mais si absolu qu'on ne peut qu'y succomber.
Enfin, et comme dans tout grand groupe, un leader charismatique est à sa tête : tant parce qu'il a créé la bande, qu'il à le don de composer à nul autre, qu'il impose sa présence sur scène que parce que sa voix porte jusqu'au coeur et même au ventre : Chad Kruger. Un nouvel archange du rock est né.
P.S. : Je ne regrette que d'autant plus, amèrement, la tournure que le groupe a pris depuis les deux derniers albums : virant dans le métal strident ou hurlements et grattages hystériques de guitares ont pris le relais en lieu et place donc des vocalises graves dantesques de Chad et des solos et ryhmiques martelées immédiatements mémorisées des débuts... Un vrai gâchis qui ne plaît - évidemment - qu'aux boutonneux pré-pubaires décérébrés. Time is money...
Pour autant, si vous osez vous écouter et tenter le diable, achetez les yeux fermés les 3 premiers albums : "Silver Side Up" - "The Long Road" et "All The Right Reason". En espérant que les Nickelback se retrouvent un jour prochain...