(1) La plupart des mortels, Paulin, se plaignent de l'injuste rigueur de la nature, de ce que nous naissons<br/>pour une vie si courte, de ce que la mesure de temps qui nous est donnée fuit avec tant de vitesse, tarit de<br/>rapidité, qu'à l'exception d'un très- petit nombre, la vie délaisse le reste des hommes, au moment où ils<br/>s'apprêtaient à vivre. Cette disgrâce commune, à ce qu'on pense, n'a point fait gémir la foule seulement et le<br/>vulgaire insensé : même à d'illustres personnages ce sentiment a arraché des plaintes. (2) De là cette<br/>exclamation du prince de la médecine : La vie est courte, l'art est long. De là, prenant à partie la nature, <br/>Aristote lui intente un procès peu digne d'un sage : il la blâme d'avoir, dans son indulgence, accordé aux<br/>animaux cinq ou dix siècles d'existence, tandis que, pour l'homme appelé à des destinées si variées et si<br/>hautes, le terme de la vie est incomparablement plus court.
