Si les lecteurs veulent bien le lui permettre, l'auteur de ce livre commencera par une confession. Quand il était au collège, il n'aimait pas beaucoup l'histoire. Elle lui inspirait de l'ennui. Et quand le goût lui en est venu plus tard, il s'est rendu compte d'une chose: c'est qu'il répugnait à la narration des faits alignés, les uns au bout des autres. On ne lui avait jamais dit, ou bien on ne lui avait dit que d'une manière convenue et insuffisante, pourquoi les peuples faisaient des guerres et des révolutions, pourquoi les hommes se battaient, se tuaient, se réconciliaient. L'histoire était un tissu de drames sans suite, une mêlée, un chaos où l'intelligence ne discernait rien.
Est-il vrai qu'il faille enseigner l'histoire aux enfants sans qu'ils la comprennent et de façon à meubler leur mémoire de quelques dates et de quelques événements? C'est extrêmement douteux. On ne s'y prendrait pas autrement si l'on voulait tuer l'intérêt. En tout cas, un âge vient, et très vite, où l'on a besoin d'un fil conducteur, où l'on soupçonne que les hommes d'autrefois ressemblaient à ceux d'aujourd'hui et que leurs actions avaient des motifs pareils aux nôtres. On cherche alors la raison de tout ce qu'ils ont fait et dont le récit purement chronologique est insipide ou incohérent.
En écrivant une histoire de France, c'est à ce besoin de l'esprit que nous avons essayé de répondre. Nous avons voulu d'abord y répondre pour nous-même et à cette fin dégager, avec le plus de clarté possible, les causes et les effets.
Nous n'avons pas tenté une œuvre originale: on peut éclaircir l'histoire, on ne la renouvelle pas. Nous n'avons pas non plus soutenu une thèse. Nous nous sommes efforcé de montrer comment les choses s'étaient produites, quelles conséquences en étaient résultées, pourquoi, à tel moment, telle décision avait été prise plutôt que telle autre. Ce qu'on découvre, au bout de cette analyse, c'est qu'il n'est pas facile de conduire les peuples, qu'il n'est pas facile non plus de fonder et de conserver un Etat comme l'Etat français, et l'on en garde, en définitive, beaucoup d'indulgence pour les gouvernements.
Peut-être ce sentiment est-il la garantie de notre impartialité. Mais comment serions-nous de parti pris puisque notre objet est de présenter dans leur enchaînement les événements de notre histoire? Nous ne pouvons la juger que par ses résultats. Et, comparant notre condition à celle de nos ancêtres, nous sommes amenés à nous dire que le peuple français doit s'estimer heureux quand il vit dans la paix et dans l'ordre, quand il n'est pas envahi et ravagé, quand il échappe aux guerres de destruction et à ces guerres civiles, non moins redoutables, qui, au cours des siècles, ne l'ont pas épargné.